Le dépouillement selon la chair
« Donne-moi tes biens ! »
Notre propre
nature.
« Naturellement, tu es comme ce jeune homme. »
Jusqu’ici, il a très peu été question du dépouillement de soi. En effet, pour commencer ce
chemin, il faut que le Seigneur « se mette à nous aimer ». C’est-à-dire qu’Il ait vu en nous le désir de suivre la Vérité.
C’est alors le point de départ de la seconde grande découverte de la foi. Rappelons la
première : Dieu est Amour. La seconde est : Dieu s’anéantit complètement. Ce n’est donc pas Dieu qui dit à l’homme de se dépouiller pour se dépouiller, mais bien de Le rejoindre au cœur
même de ce qu’Il est.
Naturellement, nous sommes semblables au jeune homme riche de l’Evangile. En effet, par
amour pour Dieu, nous sommes prêts à suivre ses commandements. Mais nous n’avions pas perçu qu’Il nous demandait ensuite de renoncer à autant de choses qui faisaient notre vie. Nous n’avions pas perçu
ce qui faisait obstacle au désir de Le suivre. Cet obstacle, c’est notre nature.
En réalité, la lutte ne se fait pas contre toute notre nature, elle se fait contre la part
blessée de celle-ci, ce qui touche justement à la fois à ce qui nous enchaîne, et donc ce qui nous fait souffrir. Et notre nature blessée cherche le bonheur, mais croit le trouver dans les
plaisirs immédiats, ou plus globalement terrestres. Notre nature blessée cherche à aimer et à être aimée, mais croit le trouver dans des relations médiocres. Bref, notre nature est empêchée
d’être parfaite, et dénature ce qui la meut pour se concentrer sur elle-même. La lutte contre notre nature n’est donc pas un reniement de ce qui me fait Homme, mais un perfectionnement de ma
condition d’Homme. Nous sommes finalement destinés à retrouver notre pleine nature perdue.
Renoncer à ses
biens.
« Réjouis-toi : si le Seigneur te le propose, c’est que tu as bien avancé, et que tu en es capable. »
Le renoncement à ce qui fait nos biens terrestres est sans doute la toute première étape
vers un renoncement plus profond encore. Mais on voit combien il est nécessaire, car il n’est pas inné à l’homme, même pour celui qui aime Dieu. C’est le Seigneur qui propose de s’y lancer.
Ce premier renoncement sera difficile à la mesure du matérialisme et de l’attachement à ce
que nous avons. Mais il reste aussi celui qui peut encore être à « portée de cœur », c’est-à-dire que contrairement aux renoncements qui suivront, un effort sur soi peut permettre d’y
parvenir, pour certains peut-être. On peut encore y arriver un peu « par nous-mêmes », même s’il est nécessaire que le Seigneur nous désigne quelles sont ces richesses auxquelles nous
devons renoncer. Mais il est bon dès à présent de s’en remettre à Dieu, car pour les plus grandes richesses, c’est déjà impossible. Mais peu importe. Le chemin qui suit est entièrement remis au
Seigneur, il est donc préférable d’être rapidement mis face à notre pauvreté.
Si le Seigneur propose au jeune homme riche de vendre ses biens, c’est pour une raison
bien précise. En effet, la vente est un non-retour. C’est-à-dire que ce que je laisse, en le vendant, je ne peux le récupérer par la suite. Ainsi, il faut percevoir le risque que souligne ici le
texte pour nous-mêmes. Je ne suis pas contraint de me séparer de toute richesse tant que mon cœur n’y est pas attaché. Mais les rendre tout de même accessibles, à portée de main, peut suffire à
m’y attacher de nouveau. Aussi, pour mes grandes richesses, il est important de voir s’il ne convient pas mieux de les « vendre ».
Premières souffrances pour le
Christ.
« Offrir ses biens te rendra vite le centuple de joie, et tu en manques... »
Jusque là, les souffrances étaient inutiles, elles n’allaient nulle part, car elles ne
pouvaient pas être offertes. Ces premiers détachements sont alors l’occasion des premières souffrances offertes, chose qui n’arrivait pas auparavant car celles-ci permettent justement de suivre
le Christ. Elles sont donc les premiers éveils, comme les premiers pas d’un enfant, au sens de la souffrance dans ma vie de chrétien, sens que je décide de leur donner, à l’exemple du
Christ : c’est-à-dire placer ces souffrances dans une perspective d’amour.
Les souffrances intérieures qui découlent d’un détachement aux biens matériels, si elles
peuvent être difficiles, n’en sont pas moins celles qui apportent ensuite le plus rapidement un réconfort. En effet, bon nombre de nos tracas, souffrances et exaspérations quotidiennes sont liés
à cet attachement trop grand. Rapidement, le fait de dépasser ce qui est matériel offre une liberté et une paix dans ce domaine qui est rapidement perceptible. Aussi ce qui nous rebutait au
départ car trop lié à notre plaisir s’avère être une bouffée d’air
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